Indicateur national de l’érosion côtière : méthodologie

L’indicateur national de l’érosion côtière a fait l’objet de nombreuses réflexions lors de sa conception.

La méthode retenue vise à représenter le constat de l’évolution passée du trait de côte sur de longues périodes. Cette méthode permet d’apporter des informations homogènes et comparables sur les côtes françaises (hexagone ainsi que les départements et régions d’outre-mer). L’interprétation de cette donnée nécessite de prendre connaissance de son périmètre d’utilisation.

1. Les différentes méthodes envisagées

L’indicateur national de l’érosion côtière résulte d’un travail mené sous l’égide du comité scientifique de la Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Ce comité, présidé par le professeur Stéphane Costa de l’Université de Caen est composé de différents experts reconnus des universités, d’organismes techniques et des services concernés du ministère chargé de l’environnement.

Une première approche méthodologique s’est intéressée aux facteurs naturels participants au phénomène d’érosion des côtes (les causes) comme les courants marins, le vent, ou la nature géologique des côtes. La combinaison de ces facteurs naturels devait permettre d’identifier des secteurs du littoral potentiellement sensibles au recul du trait de côte. Cette première étude a montré la grande hétérogénéité et parfois la disponibilité insuffisante des données pour une exploitation à l’échelle nationale, ce qui ne permettait pas de les utiliser pour bâtir l’indicateur national.

En accord avec le comité scientifique, il a alors été retenu que l’indicateur national s’appuierait uniquement sur les effets visibles (les conséquences) du recul du trait de côte. Il a également été décidé que le recul du trait de côte serait étudié sur une longue période d’observation, afin de dégager des tendances d’évolution sur le long terme.

Pratiquement, la seule façon d’étudier les évolutions du trait de côte sur le long terme est d’observer sa position passée en remontant assez loin dans le temps. Cela est possible en interprétant et en identifiant la position du trait de côte sur différentes prises de vues aériennes verticales, dont les plus anciennes datent des années 1920.

2. La méthode retenue

L’indicateur national de l’érosion côtière représente la tendance passée de l’évolution de la position du trait de côte. Cette tendance, à l’avancée, au recul ou à la stabilité du trait de côte, est calculée en observant la position du trait de côte sur 2 photographies aériennes dont les dates de prise de vue sont éloignées de plusieurs décennies.

Cet indicateur national est produit selon une méthodologie basée sur 4 étapes principales :

Etapes de production de l'indicateur national de l'érosion côtière
Etapes de production de l'indicateur national de l'érosion côtière
  • 4 étapes successives : 1ère étape : choix des supports et des marqueurs du trait de côte ; 2ème étape : digitalisation des marqueurs du trait de côte ; 3ème étape : calcul des tendances d’évolution ; 4 ème étape : représentation des résultats.

  • La disponibilité des photographies aériennes verticales, sur lesquelles vont être observées les positions du trait de côte, conditionne les durées d’observation de l’étude. Pour être exploitables, les clichés des photographies aériennes verticales doivent être assemblés, positionnés dans l’espace (étape de géoréférencement) et traités pour prendre en compte le relief (étape d’orthorectification). Les principaux supports utilisés sont exposés dans le tableau suivant :

    Période ancienne
    Période récente
    Principaux supports disponibles au moment de l’étude BD-Ortho®Historique de l’IGN Ortholittorale V2
    Archives traitées par le Shom et l’Ifremer (© SHOM,
    Ifremer, photothèque nationale)
    BD-Ortho® IGN
    Dates de prises de vue des supports utilisés Entre 1920 et 1957 Entre 2005 à 2014

    Il existe une multitude de définitions du « trait de côte » : Celle retenue pour cette étude correspond à des marqueurs morphologiques du littoral observables aussi bien sur le terrain que sur des photographies aériennes. En raison de leur bonne visibilité sur les photographies aériennes récentes et anciennes, le suivi des marqueurs naturels suivants a été privilégié :

    • pour les côtes possédant des marées : la limite de la végétation (tous types de côte) et la limite du haut de falaise (côtes à falaise avec une rupture de pente marquée) ;
    • pour les côtes ne présentant pas de marée : la limite supérieure du jet de rive, correspondant globalement au sable mouillé (côte basse meuble) et la limite de la végétation (côte à falaise).
    Haut de falaise
    Jet de rive
    Limite de végétation

    Exemple de marqueurs de position du trait de côte

    La diversité des littoraux français ne permettant pas toujours d’observer ces types de marqueurs, une quinzaine d’autres marqueurs comme les cordons de galets ou le pied de falaise ont pu être utilisés.

  • Une fois les supports choisis et les marqueurs du trait côte pré-sélectionnés, l’étape suivante consiste à tracer la position de ces marqueurs sur ordinateur, on parle alors de digitalisation. Cette étape nécessite un travail de photo-interprétation considérable (analyse et compréhension des images aériennes) et a mobilisé 7 équipes du Cerema pour assurer un relevé homogène des traits de côte sur le littoral métropolitain et des 5 DROM.

    La position du trait de côte est tout d’abord digitalisée sur les prises de vue aérienne les plus récentes disponibles au moment de l’étude (de 2005 à 2014), car ces supports sont très précis et facilitent grandement l’interprétation des images. Les mêmes types de traits de côte (marqueurs morphologiques) ont été digitalisés sur les photographies anciennes sur la période 1920 - 1957. Il est en effet indispensable de relever les mêmes marqueurs du trait de côte entre les clichés récents et anciens afin d’obtenir une comparaison fiable.

    Les ouvrages longitudinaux, qui interrompent très généralement le trait de côte « naturel » et les ouvrages transversaux, comme les épis, sont également relevés. La digitalisation de ces ouvrages, complétée avec de nouvelles sources d’informations, est disponible sur Géolittoral.

  • Les tendances d’évolution du trait de côte sont déterminées selon des profils espacés de 200 mètres le long du rivage. La distance entre deux profils (200 mètres) résulte d’un compromis entre la précision des données disponibles et l’échelle de restitution des résultats.

    Exemple de profils générés par le logiciel MobiTC intersectant les traits de côte levés,

    disposés tous les 200 mètres. Fond de plan : Ortho littorale V2 [Cerema, 2018].

    Au droit de chaque profil, la mesure de la distance comprise entre les 2 traits de côte datés permet de calculer un taux d’évolution moyen exprimé en mètre par an.

    Principe général du calcul des tendances d'évolution du trait de côte

    Trait de côte ancien (1930) en magenta / celui récent (2008) en bleu / profils en rouge.
    Dans cette exemple, le recul observé du trait de côte est de 140 mètres en 78 ans,
    soit une vitesse moyenne de 1.8 mètres par an (140 mètres divisés par 78 ans). [Cerema 2018]

    Le calcul des tendances d’évolution a été effectué uniquement sur les sections où les deux traits de côte (récent et ancien) possèdent le même marqueur de position. Par ailleurs, la fixation du trait de côte générée par la présence des ouvrages a conduit à ne pas réaliser de calcul lorsque l’un des traits de côte levés correspondait à un ouvrage.

  • La cartographie de l’indicateur national est affichée au 1 / 100 000 (soit pour une impression en A3, 1 cm sur la carte = 1 km en réalité). Les tendances d’évolution calculées tous les 200 mètres sont représentées sur un fuseau parallèle au rivage et classées selon 9 catégories colorisées.

    Barre d'échelle de l'évolution du trait de côte
    • Les valeurs en recul se répartissent en 4 classes selon un dégradé allant du jaune pour les valeurs les plus faibles au marron pour les reculs les plus importants (reculs supérieurs à 3 m/an).
    • De la même façon, les valeurs en avancée se répartissent en 4 classes avec un dégradé de vert.
    • Une classe de couleur bleu, nommée « non perceptible », comprend les valeurs égales à 0.
    • Une classe supplémentaire, représentée en gris, complète cette échelle afin de regrouper les points non calculés, principalement en raison de photographies anciennes non disponibles ou non exploitables.
    Exemple : extrait de la cartographie en baie de Somme

    Les aménagements côtiers digitalisés dans le cadre de cette étude sont aussi affichés sur la cartographie (ligne magenta). Ils indiquent la présence d’une artificialisation au niveau du trait de côte pouvant dans certains cas influencer grandement l’évolution du trait de côte.

3. Périmètre d’utilisation et principales limites de l’indicateur national

Périmètre d’utilisation

L’indicateur national de l’érosion côtière offre un constat des tendances moyennes de l’évolution passée du trait de côte, basé sur l’observation des côtes à des périodes, espacées de plusieurs dizaines d’années (de 50 à plus de 90 ans). Ce constat est aisément vérifiable par les spécialistes avec la mise à disposition des traits de côte digitalisés par le Cerema.

La méthode d’élaboration de l’indicateur national a été choisie pour disposer d’informations homogènes et comparables sur les côtes françaises. Elle peut, par conséquent, différer de celles mises en œuvre dans des études plus locales. En effet, les différentes études de ce type sont réalisées avec des méthodologies et des précisions diverses. De plus, elles ne s’intéressent pas toutes aux mêmes périodes historiques, ce qui influence fortement les résultats (les tendances de long terme peuvent être différentes des tendances sur le moyen et le court terme). Les divergences de résultats qui pourraient êtres constatées avec des études locales ne remettent pas en cause la pertinence de l’indicateur national, celui-ci n’ayant pas vocation à remplacer ces études locales.

À ce stade, l’indicateur national n’est pas prospectif, son utilisation à cette fin doit être accompagnée de la plus grande prudence.

Interprétation des marqueurs du trait de côte

Comme pour la majorité des études traitant de l’évolution historique du trait de côte, la principale limite méthodologique est liée à l’utilisation d’une simple ligne pour représenter l’évolution d’un milieu très complexe. Les traits de côte produits dans le cadre de cette étude sont des traits de côte interprétés dépendant des variations de l’environnement côtier et des choix de l’opérateur.

Domaine de validité des taux calculés

Les calculs des tendances d’évolution s’effectuent entre deux dates éloignées de plusieurs décennies. La dynamique d’évolution du trait de côte au sein de la période observée n’est donc pas étudiée (le trait de côte a pu connaître des phases d’avancée et de recul, seule la tendance résultante est restituée). De plus, les résultats obtenus correspondent à une évolution sur le long terme où les effets ponctuels des tempêtes et les évolutions saisonnières du trait de côte sont lissés. Ainsi, les résultats de l’indicateur national peuvent ne pas refléter la situation actuelle de court terme observable dans certains secteurs.

Les tendances d’évolution calculées prennent en compte, de fait, l’influence des ouvrages côtiers, sans qu’il soit possible, dans le cadre de cette étude, de quantifier leurs contributions aux processus érosifs.

En Guyane, les dynamiques littorales sont très spécifiques avec le déplacement rapide le long des côtes de bancs de sédiments provenant de l’Amazone. La présence temporaire de ces bancs engendre de très importantes évolutions morphologiques, ce qui limite fortement l’interprétation des résultats de l’indicateur national de l’érosion côtière. Cette interprétation doit donc s’appuyer, dans la mesure du possible, sur une connaissance plus précise disponible auprès de l’observatoire de la dynamique côtière de Guyane.

Incertitudes

Le relevé des marqueurs de la position du trait de côte intègre une part d’incertitude liée à :

  • la qualité des clichés,
  • l’orthorectification (en fonction du relief et de l’angle de prise de vue, le calage de l’image peut varier significativement au sein d’un même cliché, y compris sur supports récents),
  • l’interprétation de l’opérateur (notamment dans les zones de végétations clairsemées).

En savoir plus : sur l’élaboration de l’indicateur national de l’érosion côtière, consultez :
 

Partager la page

S'abonner