Les enjeux du bassin maritime des Antilles

La stratégie nationale pour la mer et le littoral se décline en outre-mer par des documents stratégiques de bassin maritime, qui ont pour vocation de coordonner toutes les politiques sectorielles s’exerçant en mer ou sur le littoral. Le bassin Antilles, correspond aux littoraux et aux eaux sous souveraineté ou juridiction françaises bordant la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Le conseil maritime ultramarin du bassin Antilles (CMUBA), assurant la gouvernance du bassin, a été installé le 8 mars 2016. Il est co-présidé par les Préfets de Guadeloupe et de Martinique.


 

Environnement marin

Algues sargasses, Saintes, Pointe Zozio, Guadeloupe | © Franck Mazeas

 
340 millions € = valeur estimée des services écosystémiques des récifs coralliens dans les Antilles françaises (IFRECOR)

80% des récifs coralliens des Antilles françaises sont dégradés

 

Caractérisation de la biodiversité marine du bassin Antilles

Le bassin maritime Antilles est caractérisé par sa grande diversité de paysages et
d’écosystèmes littoraux et marins (mangroves, étangs et forêts littoraux, récifs coralliens, herbiers marins, canyons sous marins, etc.), qui, lorsqu’ils sont en bon état, rendent de nombreux services écosystémiques (mitigation des risques, zones fonctionnelles halieutiques, puits de carbone, nourriture pour les populations, activités touristiques, etc.).

Les espèces marines côtières du bassin présentent un niveau élevé d’endémisme.
Les inventaires réalisés depuis 2010 (Karubenthos et Madibenthos) ont révélé d’importantes différences entre les communautés d’espèces de Guadeloupe et de Martinique malgré leur proximité géographique. Ce taux d’endémisme élevé est synonyme de grande fragilité pour les écosystèmes marins, encore accrue par la diminution observée des abondances de nombreuses espèces.

Les eaux bordant les îles antillaises abritent encore des populations de nombreuses
espèces emblématiques, pour certaines menacées (inscrites au CITES, la liste rouge de l’UICN, dans les annexes de la convention de mer régionale de Carthagène) : 49 espèces de requins, 24 espèces de mammifères marins, 5 espèces de tortues marines, d’importantes colonies d’oiseaux marins ou limicoles à statut, 16 espèces de coraux, etc.
Certaines espèces font l’objet de mesures de gestion en matière de pêche, en particulier lorsqu’elles sont menacées (oursins, lambis, langoustes, requins, mérous, makaires…). D’autres font l’objet de mesures de préservation et de restauration, comme les tortues marines, dans le cadre d’un plan national d’actions.

Ces populations, migratrices ou sédentaires trouvent dans le bassin maritime des habitats essentiels à leur cycle de vie (croissance, reproduction, haltes migratoires, alimentation). Certains de ces habitats font également l’objet de protection ou de mesures de gestion spécifiques (parc national ou naturel marin, réserve naturelle nationale, sites du Conservatoire du littoral, cantonnements de pêche…).
 

Les principales pressions et sources de dégradation de l’environnement marin

L’état écologique des écosystèmes marins et côtiers aux Antilles est préoccupant,
notamment pour les récifs coralliens dont 80 % sont dégradés. En effet, aux pressions globales (cyclones, température, acidification, montée des eaux), dont l’intensité va augmenter avec les changements climatiques annoncés, s’ajoutent de nombreuses pressions anthropiques locales, sources de dégradation pour les habitats et la biodiversité marine des Antilles :

  • les rejets d’eaux usées (dispositifs d’assainissement individuels et collectifs en mauvais état, mauvais taux de raccordement aux réseaux collectifs, dysfonctionnement des stations d’épuration des eaux usées), qui provoquent une eutrophisation et une contamination du milieu conduisant à une détérioration de la qualité des eaux littorales et de l’état de santé des habitats côtiers ;
  • le lessivage (transport de sédiments par les eaux de surfaces) des terres agricoles, qui engendre une forte érosion (hypersédimentation accrue sur les écosystèmes côtiers et marins) et entraîne une pollution des eaux (produits phytosanitaires dont le chlordécone, macro-déchets, plastiques) ;
  • l’urbanisation du littoral, qui entraîne la destruction d’habitats côtiers (principalement les zones humides côtières telles que les mangroves) et le dépôt de matériaux polluants ;
  • les activités maritimes diverses comme par exemple le dragage et le clapage de sédiments.
    À ces pressions déjà fortes et nombreuses, s’ajoutent depuis 2011 les échouements massifs d’algues sargasses, qui détériorent les habitats côtiers (blocage de la lumière naturelle, anoxie du milieu, etc).
     

Les politiques publiques pour la préservation de l’environnement marin

Du fait de l’importance des milieux, des espèces et des paysages antillais, différentes politiques publiques ont été adoptées pour assurer leur préservation et leur valorisation :

  • la directive cadre sur l’eau, mise en œuvre au travers des SDAGE, qui vise à atteindre le bon état écologique et chimique des eaux côtières ;
  • divers arrêtés ministériels et préfectoraux, qui ont vocation à protéger les espèces : mammifères marins, tortues, oiseaux marins, coraux… Dans certains cas, ces arrêtés sont soutenus par des plans d’actions comme le Plan National d’Actions (PNA) tortues ;
  • des espaces marins font l’objet de protection spécifiques constituant un réseau d’aires marines protégées. Il en est ainsi pour le sanctuaire Agoa (pour les mammifères marins), les espaces maritimes du parc national de la Guadeloupe, et des réserves naturelles (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Petite-Terre…), ou encore le parc naturel marin de Martinique (qui est un outil de gestion ne créant pas de réglementation supplémentaire).
     

Formation aux métiers de la mer

Part de l’emploi maritime dans l’emploi total

6% en Martinique

8% en Guadeloupe


 
L’économie maritime constitue d’ores et déjà une part significative des économies insulaires des Antilles françaises, part qui devrait croître significativement dans les années à venir : l’emploi maritime représentait 6 % de l’emploi total en Martinique en 2015 et 8 % en Guadeloupe (INSEE, 2015).

Les métiers de la mer, très variés, se retrouvent dans des activités historiques comme la pêche, la construction navale, les activités portuaires et de transport, mais aussi des activités plus récentes ou émergentes comme l’aquaculture, les énergies marines renouvelables, les biotechnologies, la transformation des produits de la pêche, les activités sportives et touristiques liées à la mer. Ces métiers demandent une grande technicité et une bonne connaissance de l’environnement maritime. Ce sont des métiers de passion.

La formation à ces métiers qui permet aux jeunes et moins jeunes d’acquérir les savoirs théoriques et pratiques doit répondre aux besoins des acteurs de l’économie bleue.
 

La formation initiale

Dans le secondaire, 6 établissements, situés à Saint-Martin, en Guadeloupe et en Martinique, proposent des formations initiales de niveau IV et V aux métiers de la réparation nautique et de la marine marchande (pont et machine). L’université des Antilles, présente en Guadeloupe et en Martinique, propose quant à elle l’essentiel des formations post-bac en lien avec la mer et le littoral.

Ces formations techniques et professionnelles sont souvent peu connues et peu valorisées. Par ailleurs, faute de disposer d’un panel suffisant de formations, notamment dans l’enseignement supérieur, les jeunes sont contraints de quitter le bassin pour trouver des formations et n’y reviennent pas nécessairement. Enfin, il faut indiquer que les centres de formation maritime sont fragiles et connaissent des difficultés pour maintenir l’agrément de leurs formations.
 

La formation continue

Le recours à la formation professionnelle continue n’est pas encore suffisamment envisagé ou développé alors qu’elle permet des montées en compétences et des réorientations professionnelles (notamment pour des salariés du monde « terrestre »).
Depuis la réforme de la formation professionnelle, de nombreuses structures peuvent être habilitées pour préparer des diplômes d’État ou des certificats de qualification professionnelle (CQP) créés par les branches professionnelles. Ainsi plusieurs CQP ont été créés par les branches Ports de plaisance et Navigation de plaisance. Les formations sont proposées par les GRETA de Martinique Sud et des îles du Nord à Saint-Martin ainsi que le centre Guadeloupe Grand Large.

Deux structures proposent des formations continues de navigants (ponts et machine) : l’EPFMA (Martinique) et TOP 50 en Guadeloupe, qui proposent des formations répondant aux normes OMI. Par ailleurs, les organismes de formation pour les marins aux Antilles respectent les normes de l’OMI, un atout dans l’arc caraïbe. L’International Yacht Training Worldwide, dont le siège est actuellement au Canada, est également présent à Saint-Martin et forme des personnels de conduite des navires de plaisance professionnelle.

Enfin, les qualifications professionnelles peuvent être obtenues par l’intermédiaire de la validation des acquis par l’expérience (VAE). Compte-tenu du nombre très élevé de candidats, le jury VAE maritime a été délocalisé à plusieurs reprises en Martinique et en Guadeloupe depuis 2014.
 

Mer et société

Pratique du surf bwa flo | © Martiniquesurfpro.com

 
19 Aires Marines Educatives aux Antilles françaises en 2019-2020 dont au moins 1 sur chaque territoire

Plus de 200 manifestations nautiques déclarées chaque années auprès des Directions de la Mer du bassin Antilles


 
Comme le précisait le Grenelle de la mer en 2009, « l’éducation à la mer doit devenir une priorité ». Cette priorité est d’autant plus forte aux Antilles que les populations se sont souvent développées « dos à la mer ». Cette réalité s’explique en grande partie par des raisons historiques, mais sa compréhension reste complexe.
 

Des activités traditionnelles de pêche et de sports nautiques

La pêche est la principale activité traditionnelle liée à la mer dont les navires ancestraux (yoles en Martinique et saintoises en Guadeloupe, elles-mêmes inspirées des pirogues de haute-mer des amérindiens) sont toujours en activité aujourd’hui. La culture maritime liée à la pêche est très ancrée dans les familles de pêcheurs qui ont longtemps été les seuls « utilisateurs » de la mer.
Aujourd’hui encore, de très nombreuses communes littorales organisent annuellement des fêtes des pêcheurs ou des fêtes de la mer. La pratique de la yole et des saintoises a conduit à l’organisation de régates, aujourd’hui considérées comme des événements sportifs de 1er plan comme le célèbre Tour des yoles en Martinique, ou le tour de la Guadeloupe en voile traditionnelle (TGVT).

Par ailleurs, de nombreuses épaves témoignent également de l’activité maritime accrue dès l’arrivée des colons européens dans les Antilles. Le site de Saint- Pierre en Martinique est mondialement connu pour ses épaves, vestiges du début du XXème siècle suite à leur destruction par l’éruption de la montagne Pelée.
Également, le « bwa flo », la glisse sur des vagues grâce à des troncs d’arbre, véritable ancêtre du surf en Martinique, s’est à l’époque développée pour acheminer les tonneaux des navires à la terre. Divers évènements aujourd’hui visent à redécouvrir cette pratique nautique ancienne et peu connue.
 

Une culture maritime à construire, entre sports nautiques et protection de l’environnement

Les sports nautiques (voile, surf, kitesurf, plongée, etc) participent grandement à l’appropriation de la mer par la population et contribuent fortement à sensibiliser les plus jeunes. De plus en plus de « classes de mer » sont organisées afin que les scolaires puissent découvrir et pratiquer ces sports. Des événements, comme la Fête de la Mer à Saint-Martin, qui a fêté ses 10 ans en 2019, permettent de faire découvrir le monde de la mer et les activités nautiques à la population à prix réduits.
Les grandes manifestations nautiques, mondialement connues comme la Route du Rhum, les Voiles de Saint-Barth ou encore la Heineken Regatta Cup, concourent également à cet attrait de la mer via les pratiques sportives.

Mais le développement d’une culture maritime passe également par une meilleure connaissance de l’environnement marin, et par une sensibilisation du grand public à sa nécessaire protection : de nombreux établissements publics comme le Parc national de la Guadeloupe, le Parc naturel marin de la Martinique, l’Agence Territoriale de l’Environnement à Saint-Barthélemy, ou encore des associations comme l’École de la mer en Guadeloupe ou des centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) comme le Carbet des Sciences en Martinique, multiplient les initiatives auprès du grand public et des scolaires. La mise en place d’Aires Marines Éducatives, encouragées par l’Office français pour la biodiversité, contribue également à cette sensibilisation.

Enfin, le rôle des entreprises d’écotourisme – excursions en mer en particulier – est également essentiel pour ancrer un attrait de la mer chez les populations guadeloupéennes, martiniquaises, saint-martinoises, et – dans une moindre mesure car déjà davantage tournées vers la mer – saint-barthinoises.
 

Pêche et aquaculture

4000 T/an = quantités pêchées estimées en Guadeloupe, y compris îles du Nord et en Martinique

1177 navires actifs. Dont 90% pêchant en proche côtier


 

La pêche, une activité essentiellement artisanale…

L’activité de pêche professionnelle est essentiellement présente en Guadeloupe, en Martinique et, dans une moindre mesure, à Saint-Barthélemy. Seule une dizaine de pêcheurs professionnels est recensée à Saint-Martin, où cette activité est marginale.

La flotte de pêche du bassin Antilles est composée en 2019 de 1 177 navires actifs répartis à parts égales entre la Guadeloupe (y compris Saint-Martin et Saint- Barthélemy) et la Martinique. Les navires sont en immense majorité d’une taille inférieure à 12 mètres, non pontés, et relèvent de la catégorie « petite pêche », caractérisée par une activité de sortie à la journée essentiellement vivrière. Les entreprises de pêche sont beaucoup de petites unités familiales, financièrement fragiles. Les marins-pêcheurs sont relativement âgés (plus de 50 ans en moyenne) et la profession se renouvelle peu.


 

…et peu structurée

La population antillaise consomme beaucoup de produits de la mer mais la grande majorité est importée faute de production locale suffisante (70 % à 90 % d’importations selon les territoires).

Il n’y a pas de véritable réseau de commercialisation de la production et la majorité de la production est écoulée en vente directe.
Par ailleurs, de nombreuses menaces s’exercent sur la ressource halieutique, qu’il s’agisse de pressions issues de pollutions terrestres, ou par les activités maritimes (pêche, plaisance…).
Des mesures de gestion mais encore insuffisantes au regard de l’état de la ressource côtière, ont été mises en place essentiellement à l’échelle de chaque territoire malgré l’existence de plusieurs organisations régionales de pêche comme la COPACO ou le CRFM (Caribbean Regional Fisheries Mechanism).
 

L’aquaculture : un secteur d’avenir, pourtant en difficulté

L’aquaculture est présente en Guadeloupe et en Martinique. L’espèce élevée en quasi-totalité est l’ombrine ocellée appelée « loup des Caraïbes » sur le marché. L’Ifremer basé en Martinique gère le stock génétique de reproducteurs d’ombrine ocellée et produit des larves, transférées ensuite à deux écloseries l’une en Martinique, l’autre en Guadeloupe qui elles-mêmes approvisionnent les fermes de grossissement en cages en mer.

Une seule ferme aquacole est en activité en Guadeloupe aujourd’hui, et 3 en Martinique contre une douzaine au total il y a seulement quelques années. Le secteur est en difficulté, comme en témoignent les récentes fermetures d’entreprises et une production aquacole en 2018 qui n’excède pas une cinquantaine de tonnes. Cette activité connaît plusieurs freins (techniques, financiers) mais plusieurs initiatives sont lancées pour favoriser l’investissement dans ce secteur d’avenir (y compris pour trouver d’autres ressources).
 

Plaisance, croisière et activités nautiques

Marina du Marin, Martinique | © Marina du Marin

 
24 ports ou zones de mouillages organisés dédiés à la plaisance dans le bassin Antilles

40 000 nombre annuel de plaisanciers naviguant dans les eaux françaises


 

Les Antilles françaises, un des leaders du nautisme mondial

Le bassin caribéen est actuellement un des premiers bassins de navigation et de pratique nautique au monde, même le premier de l’hémisphère nord pendant l’hiver.
Pour l’industrie nautique française, leader mondial sur plusieurs segments d’activité du marché du nautisme, notamment la construction de voiliers, les Antilles représentent un marché stratégique, véritable vitrine des marques et savoir-faire français, grâce au grand nombre de voiliers naviguant dans la zone (voiliers de propriétaires ou de location).

Les Antilles françaises sont particulièrement bien positionnées en matière de nautisme, grâce à une offre large reposant sur quatre destinations aux positionnements différenciés et complémentaires entre les îles :

  • Saint-Barthélemy : la grande plaisance,
  • la Guadeloupe : l’archipel nautique,
  • la Martinique : la location et l’entretien de navires de plaisance,
  • Saint-Martin, avant Irma : le stockage, l’entretien de navires et l’achat de pièces en hors-taxes. La reconstruction de Saint-Martin doit d’ailleurs intégrer fortement les enjeux de la filière et affirmer un positionnement nautique clair.

Les Antilles françaises sont donc prisées par les acteurs économiques du secteur, notamment pour la location, l’entretien et la réparation de navires de plaisance.

Le secteur de la location de navires de plaisance est particulièrement stratégique : il est estimé que les Antilles françaises accueillent environ 10 % de la flotte mondiale. Pourtant, peu naviguent autour des îles françaises, préférant d’autres itinéraires (British et Virgin Islands, les Grenadines, etc). Cela peut s’expliquer par le manque de zones de mouillages organisées, structurantes pour l’accueil et la mise à disposition de services pour les plaisanciers, et une faible valorisation du patrimoine naturel.

L’activité de location est structurante, car elle a fortement contribué à l’émergence et au développement des activités périphériques que sont la vente, l’entretien et la réparation de navires de plaisance. Des infrastructures d’entretien et de réparation nautiques sont présentes sur chacune des îles : par exemple, les aires de carénage du Marin et de Fort-de-France en Martinique ; la marina du Bas-du-Fort en Guadeloupe ; l’aire de carénage de Sandy Ground à Saint-Martin, etc. La diversité, la technicité et la compétence des entreprises (shipchandlers, voileries, réparation navale, etc) regroupées autour de ces pôles de réparation nautique sont un atout important au sein du bassin caribéen.
 

Des sports nautiques nombreux et variés

Au-delà de la plaisance, les Antilles possèdent de nombreux atouts nautiques qui ont permis le développement d’un très grand nombre de pratiques sportives : voile, sports de glisse, paddle, plongée, véhicules nautiques à moteur… Ces activités nautiques et subaquatiques sont pratiquées à la fois par les populations locales et par les touristes, et constituent un secteur important de l’économie des Antilles françaises, en particulier lorsqu’elles ont trait au tourisme. A Saint-Martin et à Saint- Barthélemy, le poids de l’emploi touristique représente 1/4 voire 1/3 de l’emploi salarié.
 

La croisière, secteur incontournable de l’économie locale

Situées au cœur de la Caraïbe, premier bassin de croisière mondial, les Antilles françaises contribuent au tourisme de croisière de masse instauré dans l’archipel.
En 2017, la mer des Antilles a vu passer plus de 27 millions de voyageurs en croisière soit 46 % des croisiéristes du monde. Parmi eux, moins de 1 million de passagers ont fait escale aux Antilles françaises. Cependant, les croisiéristes représentent 40 % de la totalité des touristes accueillis en Martinique et Guadeloupe en 2017. Ces deux îles ont notamment été des destinations refuges à la suite de l’ouragan Irma.

La clientèle a connu une profonde mutation au cours des 20 dernières années. Outre les Antillais friands de croisière, elle est désormais dominée – depuis que les prix ont nettement baissé – par les Européens qui représentent désormais plus de la moitié des passagers des navires.
Cette manne touristique est mal valorisée, puisque les dépenses moyennes des touristes en escale sont très faibles : en Martinique, les croisiéristes représentent 4 % des dépenses globales des visiteurs. Par ailleurs, la croisière pose des problématiques environnementales (qualité de l’air, etc), d’accueil des navires (demandant des investissements importants en infrastructures – 12 millions d’euros investi entre 2012 et 2017 par le GPM Martinique), et est dépendante des aléas climatiques et sanitaires notamment.
 

Ports de commerce et réseaux maritimes

GPM Guadeloupe | © ElenaR

 
2 Grands Ports Maritimes à l’échelle du bassin

70 à 80% des marchandises traitées en entrée des GPM sont consommées sur place


 

Le contexte caribéen

Le bassin Caraïbe est un carrefour pour les échanges internationaux de conteneurs. Le caractère insulaire d’une grande partie de ses territoires explique sa densité portuaire élevée.

À l’échelle de ce bassin Caraïbe, les principaux ports « de marché » (pour approvisionner un marché) sont situés en Colombie et au Guatemala, alors que les principaux ports de transbordement (pour assurer un stockage intermédiaire de marchandises avant envoi vers une destination finale) sont Colón au Panama et Kingston en Jamaïque.
À titre de comparaison, les ports des Antilles françaises ont traité en 2018 3,78 MT pour le Grand Port Maritime de la Guadeloupe, 3,06 MT pour le Grand Port Maritime de Martinique et 0,33 MT en 2019 pour le port de Galisbay , contre 13 MT pour le port de Kingston en Jamaïque en 2016.

À l’échelle du bassin caribéen, le premier Cargo Community System maritime et aéroportuaire a été mis en place en Guadeloupe en 2002, puis en Martinique en 2005.
 

Les ports des Antilles françaises

Les ports sont des portes d’entrée incontournables pour le fonctionnement de l’économie des Antilles françaises.

Les flux commerciaux y sont très déséquilibrés, les importations, depuis l’hexagone essentiellement, étant bien plus importantes que les exportations : plus de la moitié des conteneurs exportés des Antilles françaises sont vides et la grande majorité des conteneurs remplis (90 %) sont des bananes à destination de l’hexagone, essentiellement par le biais de l’opérateur CMA-CGM. L’activité des ports est ainsi principalement tournée vers le marché intérieur. Par exemple en Guadeloupe, l’approvisionnement énergétique, l’importation des matières premières, des produits intermédiaires et la plupart des biens de consommation représentent 80 % du trafic. Il existe peu de liaisons maritimes entre les Antilles françaises et les îles voisines, reflétant l’état du commerce entre ces pays.

A Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, les infrastructures portuaires sont certes importantes, mais elles sont sous-dimensionnées. A Saint-Martin, la réalisation de travaux permettrait notamment de mieux rééquilibrer l’île vis-à-vis de la partie hollandaise, qui capte la grande majorité des flux.

La Guadeloupe et la Martinique sont chacune dotées d’un Grand Port Maritime, établissement public portuaire autonome et sous tutelle du ministère chargé des transports. Ils se classent respectivement 11ème et 13ème au rang national en terme de trafic de marchandises. Ces deux ports sont entrés dans une stratégie de développement du transbordement de marchandises.
Le Conseil de coordination interportuaire Antilles-Guyane, mis en place en 2016, doit permettre de coordonner l’action de ces grands ports et d’en améliorer la compétitivité. Un document commun à ces ports doit être validé en 2020.
 

L’industrie navale

Les ports accueillent les activités d’industrie navale. Il n’existe pas de grands chantiers constructeurs dans les Antilles françaises, mais néanmoins quelques pôles de réparation navale : en Martinique, le bassin de radoub, permettant l’accueil de navires jusqu’à 180 mètres de long et l’aire de carénage du Marin pour l’accueil de méga-yachts (plus de 50 mètres) grâce à un élévateur de bateau de 440 T, ou encore les deux docks flottants en Guadeloupe (Marina Bas-du-fort, Caraïbes Docks Services) permettant la réparation de navires jusqu’à 50 mètres de long.
 

Les réseaux des Antilles françaises

De nombreux câbles sous-marins parcourent la Caraïbe, notamment pour acheminer de l’énergie électrique et des communications (99 % des communications mondiales passent par les câbles sous-marins).
En particulier, les câbles de télécommunication ont pour objectif d’améliorer la connectivité des territoires en accompagnant les usages numériques et en optimisant la qualité des réseaux. En 2018, un câble sous-marin de 1 746 km a été installé entre la Martinique et la Guyane.
Il existe également des conduites d’eau potable permettant d’alimenter les Saintes et la Désirade à partir de la Guadeloupe.
 

Recherche et innovation

Mieux connaître la mer

La connaissance du milieu marin est un enjeu fort inscrit dans la stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML) qui fixe comme première action prioritaire le développement d’une société de la connaissance marine et maritime. Cette connaissance est indispensable au pilotage des politiques publiques sur les domaines côtiers et maritimes.

La SNML affiche par ailleurs la volonté de valoriser les spécificités de l’outre-mer dans la recherche. Les Antilles françaises constituent un espace d’étude remarquable (biodiversité, énergies renouvelables, risques, géologie marine, gestion intégrée des espaces marins…). Cependant les connaissances doivent encore être développées sur de nombreux sujets, notamment sur l’économie bleue.

La recherche dans le secteur public est davantage présente aux Antilles françaises que celle du secteur privé. Des équipes de recherche de très bon niveau telles que l’Ifremer, l’Université des Antilles et le BRGM sont en particulier présentes dans le bassin.
Toutefois, alors que 80 % de la biodiversité française est celle de l’outre-mer et que la très grande majorité de l’espace maritime français se situe en outre-mer, les effectifs des équipes de recherche dédiées aux sujets maritimes restent faibles et manquent d’infrastructures comme des stations marines ou des bassins d’étude dédiés à la recherche. De plus, l’accès aux financements nationaux et européens est souvent difficile.
 

La recherche scientifique dans le bassin caribéen

Les Antilles font l’objet de nombreux projets de recherches sur la mer et le littoral animés par une pluralité d’acteurs issus d’horizons variés. Afin de structurer la recherche, le RTPi Caraïbes (Réseau thématique pluridisciplinaire international) a été mis en place autour de 4 thématiques concernant l’écologie et l’environnement dans la région des Caraïbes : insularité et évolution, diversité et santé des écosystèmes, anthropisation, et espèces envahissantes. Construit dans un premier temps autour des laboratoires français, le réseau s’étend désormais aux partenaires étrangers.

Les îles sont par excellence des territoires d’innovation. Dans le domaine maritime, des solutions innovantes (travaux, ingénierie, réglementation…) devront être encouragées en s’appuyant sur les mécanismes prévus pour favoriser l’innovation (Lab, plate-forme, incubateur comme Zebox en Guadeloupe…).
 

Ressources marines

Des ressources marines encore inexploitées

Les ressources marines autres qu’halieutiques sont encore inexploitées dans le bassin Antilles : énergies renouvelables, biotechnologies, granulats marins, etc. Le potentiel reste peu connu.
 

Les énergies marines renouvelables

Les objectifs du Grenelle de l’environnement pour les territoires d’Outre-mer, réaffirmés par la loi de transition énergétique pour une croissance verte, sont ambitieux : générer 50 % de l’énergie consommée à partir de sources renouvelables en 2020 et atteindre l’autonomie énergétique à l’horizon 2030. En 2015 et d’après l’ADEME, la part du charbon et du pétrole dans le mix énergétique s’élève à près de 100 % à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, à 82 % en Guadeloupe et à 93 % en Martinique.

L’indépendance énergétique représente en effet un enjeu stratégique dans les régions insulaires, contraintes d’importer massivement des ressources fossiles (fioul, charbon, carburants). La faible taille des systèmes électriques conjuguée à la non-interconnexion des réseaux, induit une plus grande fragilité que celle des réseaux interconnectés et nécessite une approche spécifique.

En effet le bassin maritime possède des atouts considérables en matière d’énergies marines renouvelables : des alizés constants pour l’éolien en mer, une mer chaude et des fonds marins profonds proches des côtes pour l’ETM (énergie thermique des mers) et le SWAC (Sea Water Air Conditioning), des trains de houle réguliers, etc.

Des études prospectives ont déjà été réalisées : en 2007, le Conseil Régional de la Martinique a piloté une étude portant sur « l’Exploitation des ressources marines destinées à la production d’électricité dans les Régions Ultra Périphériques » et en 2015, un pré-diagnostic pour le développement éolien offshore flottant en Guadeloupe a été mené par AKUO Energy, co-financé par la Région Guadeloupe et l’ADEME.

Outre les études de potentialité, il existe plusieurs projets, certains très avancés mais n’ayant pas encore abouti (projet NEMO en Martinique d’énergie thermique des mers de 10 MW).
 

Les granulats marins

Devant les difficultés croissantes d’accès aux gisements terrestres, les producteurs de granulats diversifient leurs ressources, notamment par les granulats marins. Ces matériaux extraits en mer possèdent des caractéristiques semblables à celles des granulats de roches meubles extraits de carrières terrestres. Jusqu’en 2019, seul un gisement était exploité (au large de Petit-Havre au Gosier en Guadeloupe), avec un prélèvement maximal autorisé de 118 000 m³ par an, mais en 2020, il n’est plus en activité et toutes les autorisations relatives à cette activité sont échues. Pourtant, diverses études ont montré un important potentiel sur l’ensemble du bassin maritime.
 

Les biotechnologies

Les écosystèmes antillais, du fait de leur diversité, présentent un potentiel pour l’exploitation des biotechnologies qui mériterait d’être développé (IEDOM, Institut d’émission des départements d’Outre-mer, 2018).

Par ailleurs, la problématique des sargasses a poussé vers une réflexion globale sur leur devenir. Ainsi, un appel à projets et des appels à manifestation d’intérêt ont été lancés par l’ADEME en Guadeloupe et en Martinique afin de valoriser ces algues à travers la production de compost, de biogaz, de bioplastique ou encore de produits cosmétiques.
 

La désalinisation

Les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy sont des îles « sèches », ne possédant pas de ressources naturelles en eau potable. Ainsi, chaque île dispose d’une usine de désalinisation pour l’alimentation en eau potable. A Saint-Martin, l’usine mise en place en 2006 traite par osmose inverse une capacité maximale de 9 000 m³ d’eau de mer par jour. L’énergie fournie pour faire fonctionner les usines provient en partie de l’incinération des ordures ménagères.
 

Risques

Ouragan Irma, septembre 2017 | © NASA

 
24 tsunamis recensés aux Petites Antilles ces 400 dernières années

100% des communes et des collectivités des Antilles françaises sont couvertes par un Plan de Prévention des Risques Naturels (PPRN)


 

Risques naturels littoraux

Les communes littorales, et donc a fortiori les territoires insulaires, sont plus exposées aux risques naturels majeurs que la moyenne nationale.

Les Antilles françaises sont fortement vulnérables puisqu’elles sont confrontées à de très nombreux risques naturels : tempêtes tropicales, submersions marines, érosion côtière – phénomènes d’ores et déjà sensiblement renforcés par le changement climatique – mais également tsunamis et éruptions volcaniques.

Les risques liés aux tempêtes tropicales et aux submersions marines sont particulièrement prégnants, alors même qu’une grande majorité des activités et infrastructures, qu’elles soient liées à l’économie bleue (ports, plaisance, pêche, etc) ou à d’autres secteurs économiques (urbanisme, installations ICPE, etc), sont situées précisément sur le littoral. Cette situation induit une grande fragilité des territoires face aux risques naturels extrêmes, à l’image des destructions majeures causées par l’ouragan Irma à Saint-Martin et Saint-Barthélemy en 2017.

Des outils d’aménagement, tels que les plans de prévention des risques naturels et la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte – qui devra être déclinée localement – permettent à long terme de réduire ces risques.
Lorsque les événements surviennent, la gestion de crise est du ressort des communes et, de manière supra, de l’État qui vient se substituer le cas échéant et qui peut mobiliser des plans ORSEC (organisation de la réponse de la sécurité civile) dédiés permettant d’assurer une gestion de crise face à un évènement majeur.

Toutefois, des incertitudes fortes pèsent sur la capacité des territoires à assurer un retour à la normale, dans de bonnes conditions en termes d’organisation et de délais.
 

Risques technologiques et sanitaires

Les principaux risques technologiques aux Antilles sont les risques industriels et les risques liés au transport de marchandises dangereuses. Le littoral est caractérisé par la présence de nombreuses industries liées notamment aux activités portuaires et aux échanges maritimes : raffinage du pétrole, cokéfaction, sidérurgie ou industrie chimique.

Les rejets issus des activités humaines peuvent par ailleurs dégrader la qualité des eaux littorales et générer des risques sanitaires. La consommation de produits de la mer doit également être encadrée du fait de la présence potentielle de contaminants dans la chair des organismes consommés (chlordécone, ciguatoxine…).

Les échouements massifs des sargasses sont également à l’origine de risques sanitaires puisqu’elles dégagent des gaz toxiques en pourrissant après leur échouement. La lutte contre les sargasses se déploie sur plusieurs fronts (ramassage, barrages en mer, valorisation, etc) mais reste très difficile et coûteuse.

L’impact sur les activités économiques (tourisme, loisirs nautiques, pêche, baignade, etc) n’est pas négligeable.

Finalement, le risque sanitaire à la suite de la crise Covid-19 de début 2020 est une nouvelle réalité avec laquelle il est désormais impératif de composer. L’importance du trafic maritime dans la propagation de l’épidémie (croisière, plaisance) a été l’une des caractéristiques de la crise. Des mesures de gestion du trafic maritime ont été prises et devront sans doute être affinées dans le futur afin de prendre en compte cette nouvelle composante du risque.
 

Risques liés au trafic maritime

La Caraïbe concentre près de la moitié de l’activité de croisière mondiale. Pendant la saison touristique, de novembre à mai, on enregistre en moyenne la présence simultanée d’une vingtaine de navires de croisière représentant environ 70 000 personnes. Le risque d’une intervention de type SMGA (Secours Maritime de Grande Ampleur) est donc particulièrement prégnant.

La présence de terminaux pétroliers majeurs dans les petites Antilles (Saint- Eustache, Sainte-Lucie, Martinique et Guadeloupe) et d’un fort trafic commercial renforcent l’existence d’un risque d’accident maritime pouvant entraîner une pollution par hydrocarbure.

La sécurité maritime est sous la responsabilité aux Antilles françaises du délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer (DDG AEM), le préfet de Martinique, assisté par le commandant de zone maritime (CZM). Le DDG AEM engage et coordonne les moyens des administrations et autres acteurs agissant en mer (affaires maritimes, douane, marine nationale, sécurité civile, SNSM, gendarmerie) pour assurer les secours en mer, prévenir et lutter contre les pollutions marines.
Il dispose d’un centre opérationnel, le CROSS Antilles-Guyane, qui assure le suivi du trafic maritime et la coordination des opérations de sauvetage des personnes et d’assistance en mer dans une zone de 3 millions de kilomètres allant d’Anguilla à la Guyane jusqu’au milieu de l’Atlantique. Le CROSS assure un rôle important d’animateur du réseau de sécurité civile des moyens intervenant en mer, et possède de nombreux accords de coopération avec les pays voisins. La plaisance reste l’activité suscitant le plus de sauvetages et d’assistance (près de 60 % des opérations).

Enfin, les établissements de signalisation maritime (ESM), dont l’entretien est assuré par le service des Phares et Balises des Directions de la Mer, permettent de sécuriser la navigation aux abords des ports et abris. Du matériel de lutte contre la pollution est stocké dans des centres POLMAR en Martinique et en Guadeloupe et mis à disposition du SDIS (Service départemental d’incendie et de secours) en cas de pollutions marines menaçant les côtes. La Marine nationale dispose également dans la base navale de Fort-de-France de moyens de lutte contre les pollutions marines pouvant intervenir en mer.
 

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